Souvenirs d'un instituteur
1ère partie(suite)
... C'était une course dont le trophée n'était pas une médaille mais l'école satellite( الفرعية) la plus convenable. Quelle loi permettait-elle une abominable injustice? Quel "droit coutumier" se permet-il de "badiner" avec le destin de milliers d'enseignants et enseignantes et qui dispose de leurs affectations telle une épée de Damocles, ayant pour seul "critère" la date d'arrivée à l'école centrale.
Par la bouche d'un concierge qui y travaille, j 'ai appris que j' étais "exilé" à une "école" où je devrais "exercer" seul. J'étais "le tout",la pluie et le beau temps, dans cette école. Par ailleurs, il n'y avait rien, ni eau potable, ni électricité, ni réseau téléphonique (Parfois, il faut relativiser, j'ai dû une fois parcourir une centaine de kilomètres pour faire un appel important, c'était avant les portables et les smartphones! ) (note du traducteur), ni route, ni transport, ni collègue. Non, rien de rien, je ne regrette rien!. Je me suis retourné à mon lieu de naissance car mon passage au S/S où j étais affecté s' est coïncidé avec le souk, une sorte du marché forain hebdomadaire ( l'auteur peut s'estimer chanceux car les affectations sont devenues désormais locales sinon il n'aurait plus pu se permettre le luxe de rentrer chez lui, Juste après la signature du pv ( procès verbal)) ( note du traducteur). Le souk était l'unique journée où l'on pouvait se permettre de se rendre à la localité-exil( il y avait du transport juste ce jour-là)(explication du traducteur)
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Puis, j'ai rejoint "l'exil". Je n'étais pas gâté par les miens. Je n'avais pas derrière moi une "personnalité", une connaissance influente, quelqu'un qui connaît quelqu'un qui était censé m'offrir l'école de mes rêves sur un plateau d'or. Je n'étais pas un mignon chouchou de ma famille sinon j'aurais pris la poudre d'escampette dès le premier jour! .
C'était un dimanche, le souk bouillonnait. Il était noir du monde. Toute la population locale y était. Le souk bouillonnait du monde comme l'auraient fait les marchés de Zagora suite à la flambée des prix de toute marchandise offerte à prix d'or aux malheureux "compères" de la région! .Je me suis procuré quelques "trucs" dont aurait besoin un "zoufri",( au Maghreb, le mot "ouvrier" a été altéré pour donner "zoufri" . Les conditions précaires des ouvriers, habituellement seuls ou célibataires ont accordé une empreinte spécifique à ce mot, "le thé d' un zoufri" , ça veut dire fait n'importe quoi n'importe comment et d'un goût douteux) (note du traducteur) . Je devrais économiser sur mes deniers maigres. Quelques dirhams qui subsistaient de la dernière bourse touchée au CFI, une misère! .
Le directeur de l'ensemble scolaire m'avait présenté "Ammi Zaid", un "indigène". Nous devrions attendre à ce que la "transit" soit remplie de légumes, ustensiles, sacs de farine, bétail et humains. À bord, c'était équitable!. Tous s'y côtoyaient en parfaite symbiose. L'espace exigu était partagé avec parcimonie entre hommes et bêtes. J'avais pris une place au milieu de la"pagaille " et le voyage fut entamé,direction" Kaboul"!
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À l'école satellite, j'ai appris tant de choses. J'ai
appris à vivre dans la solitude totale parmi ces montagnes qui se dressent,la cime haute et fière, tournée vers les nuages. J'ai appris à me livrer à d'interminables monologues. J'étais tour à tour émetteur, transmetteur et destinataire ou récepteur. C'était une leçon que nulle université flambant neuf ne puisse proposer, à condition de ne pas sombrer dans la folie, bien entendu!
Je devrais jouer continuellement une comédie dont j'étais le metteur en scène et le principal et unique protagoniste. J'étais l'acteur pluridisciplinaires et apte à exécuter une panoplie de rôles. J'ai appris à économiser tout et n'importe comment. Je devrais économiser l'eau, cette denrée quasi-introuvable, que je devrais aller chercher si loin. J'ai appris à vivre sans télé, sans feuilletons et sans nouvelles. J'ai appris à vivre sans téléphone et sans internet dans un silence total et profond( ce silence si pesant, si lourd, si dégoûtant comme l' avait déploré un jour le regretté si Hassan M., cet enseignant Marrakechi qui a rendu l'âme suite à un malheureux accident sur la route de Taddert entre Ouarzazete et Marrakech( la nationale 9).
J'ai appris à éclairer les nuits les plus sombres grâce à cette lumière diffuse d'une bougie.
J'ai appris à "confectionner", grâce aux pupitres d'une "école défaillante", un lit, une table à manger, une biblio et d'autres "affaires". J'ai appris à compter les secondes, les minutes, les heures, les mois et j'ai appris à la lettre les dates des fêtes religieuses et nationales.
C'étaient des leçons apprises toutes par cœur car le cœur en était le véritable dépositaire. Tout ce que perçoit cet impressionnant organe de l'humain y persiste gravé comme un tatouage ou parfois comme une blessure. J'avais appris tant de choses dans cette "école" sauf la résilience et la persévérance pour endurer et supporter ces circonstances. C'était une leçon qui me dépasse! . Nulle part où apprendre à supporter l'insupportable!.Cette leçon ne figurait pas dans le curriculum de mon "école"! .
À suivre
Youssef El Ansari
Traduit par Mostapha Lotfi Mostapha Glillah